"Tout a commencé un long jour d'ennui ..."

Interview de Noël Gestalder et Syphen

par Delphine

 

C’est dans un chalet, entouré de neige et de silence, que je recueille, tour à tour, les réponses de Noël et de Syphen à mes questions sur leur aventure.

Rien d’étonnant dans le cadre de cette interview : la Haute-Savoie, département de prédilection, qui a compté quelques étapes importantes dans la réalisation du projet… Noël parle derrière son piano, en m’accueillant par quelques notes… Syphen s’abrite derrière sa guitare, retardant la première question par les accords, lentement enchaînés, de " On a toujours le temps "…

Interrogés séparément, Noël et Syphen se complètent minutieusement ; leurs silences sont souvent situés aux mêmes moments… leurs éclats de rires aussi !

 

Delphine : " Tout a commencé un long jour d’ennui… " C’est-à-dire ?

Noël : Comment tout a commencé ?... (silence) Je pense que ça a commencé de deux désirs qui se sont rejoints. Le premier, c'est de concrétiser des compositions qui sont toujours en chantier depuis des années, qui n'ont jamais vraiment abouti, et d'en faire quelque chose qui soit écoutable. Ça c'était mon désir.
Le désir de Syphen, après une longue mission d'informatique, était, je suppose, d'explorer des possibilités artistiques. Et donc voilà, on a trois mois de vacances devant nous ; on peut faire un CD. Moi, j'ai l'impression que c'est comme ça que ça a commencé.

Syphen : "un long jour d'ennui"... Moi ce dont je me souviens... Je crois que j'ai appelé Noël, il m'a proposé de venir boire un café.
Je suis allé chez lui, et bon voilà on se faisait ch... (sourire), et il m'a balancé, comme ça : "Tiens si on faisait un album !" Et je lui ai dit que a priori c'était pas sérieux, qu'on n'avait pas les moyens et tout et tout... Finalement on en a parlé assez longtemps... On s'est dit "Pourquoi pas ?"... et tout a commencé à ce moment.

 

 

D. : En quoi consistait ce projet pour vous ?

Noël : Pour moi, le projet consistait à reprendre des chansons qu'on avait faites chacun de son côté, puis d'en faire un enregistrement CD, comme une archive à garder.

Syphen : Ah elles sont dures tes questions ! Le but c'était de faire un album avec nos chansons, pour sortir une production de nous, en ayant tout fait de nos mains.

 

D. : A quel moment l’idée concrète d’un album, un CD, est-elle devenue persistante ?

Noël : Ça c'est vraiment concrétisé quand Syphen a dit : "Oui ça me plaît" (rire) ; quand un délire, un souhait s'est transformé en quelque chose de très possible, parce que tout le monde était motivé et que techniquement c'était possible.
C'est aussi une suite à un boulot commun qui s'est passé depuis plusieurs années. Ça n'a pas commencé simplement pour l'album.

Syphen : Pour moi, assez rapidement, quand on a parlé plus sérieusement de qui allait faire quoi dans l'album.
L'idée, je crois, a germé en mai, et en juin on a commencé à pas mal bosser. Mi-juin, on savait qu'on allait faire un album.

 

 

D. : Comment procédez-vous pour l’écriture des chansons ?

Noël : C'est très divers, en fonction des chansons.(silence) Pour moi, l'écriture, c'était surtout compléter des choses qui étaient déjà en chantier, qui avaient des sources d'inspiration diverses : des textes de Cyrille qui étaient vachement intéressants, des textes de moi qui traînaient depuis un certain temps ou dont j'avais déjà fait des chansons.
Il y avait aussi le flash sur un texte d'Audrey ; quand j'ai vu ce texte, j'ai vu tout de suite qu'il y avait matière à quelque chose d'émotionnellement très puissant...(silence) Donc ça a donné lieu à une chanson.
Après, à partir de ces brouillons, ou de ces choses qui n'ont que le piano comme accompagnement, il a fallu faire quand même un travail d'orchestration, d'arrangement, un travail plus technique.
La chanson est écrite à partir du moment où chacun peut jouer la partie qui lui est donnée ; je crois même qu'une chanson est vraiment écrite une fois qu'elle est enregistrée.

Syphen : L'écriture des chansons ? Moi j'ai pris des textes qui existaient déjà et j'ai travaillé dessus.
La plupart des chansons étaient composées avant [le mois de mai], il fallait que je les revoie au niveau de l'arrangement, au niveau de la structure, dans le placement des paroles.
La chanson phare de l'album "On a toujours le temps" a été composée en 96 ou 97, je ne sais plus ; c'était lors d'un camp Compagnons (ma première année Compagnons aux Scouts), on ne savait pas quoi faire... et on a dit "Tiens... si on faisait une chanson !" On a écrit des paroles avec Cyrille, et moi j'ai composé une musique dessus, qui était sympa mais on ne l'a jamais reprise.
Quand j'ai regardé tout ce qui pourrait servir dans l'album, j'ai eu l'idée de la reprendre : composer, revoir complètement la structure, les couplets et l'interprétation pour faire un truc bien.

 

D.: Toutes les chansons ont donc subi une élaboration très longue ?

 

Syphen : (Rires) Il y a eu "Elle est si loin", sur laquelle j'avais déjà travaillé en juin, mais je n'étais pas content de ce que ça donnait.
Pendant l'enregistrement de l'album, un soir où j'étais tout seul dans l'appart de Ville, je me suis dit : "Tiens, j'ai envie de travailler là-dessus...". J'avais des idées mais rien d'arrêté... Et j'ai travaillé dessus pendant trois ou quatre heures, à partir de deux heures du matin...

 

D. : Quelles ont été les conditions d’enregistrement ?

Noël : (silence) D'abord un lieu super sympa, dans lequel on avait déjà vécu des choses avant ; un lieu à la fois silencieux et convivial, qui était donc l'appart de Ville-en-Sallaz.
Ensuite un rythme de travail qui était excellent, parce que Syphen et moi, on a des rythmes complètement décalés, ça permet de travailler pendant que l'autre dort... et réciproquement (sourire). Ça nous a permis d'aller très très vite, d'être très efficaces. La journée et la soirée, c'était plus l'enregistrement des instruments, et la nuit ou le matin, c'était plus la post-production (le retouchage des voix, l'équilibrage,...).
Oui, je crois que pour moi, l'enregistrement c'était un lieu génial, qu'on avait choisi parce qu'il était génial, et des rythmes de travail qui s'adaptaient à merveille.

Syphen : (silence) Ce qui se passait, c'est qu'on avait trois pièces : une avec tout le matériel de prise de son (les micros, un ampli casque,...), la pièce du milieu où on dormait, et dans la pièce encore à côté il y avait le matos d'enregistrement (le multipiste, et le PC pour faire les enregistrements). On communiquait avec un micro qui allait directement sur l'ampli casque.
Tout ne s'est pas fait au même moment : on avait établi un planning, par rapport aux disponibilités des gens. Les instruments (basse-batterie-guitare électrique), ça s'est fait avant le 14 juillet, à Paris.
Une fois que c'était dans la boîte, je suis allé en Haute-Savoie pour enregistrer les choeurs, les voix et le saxo (j'ai aussi refait des enregistrements de guitare). On a enregistré un peu plus tard, en fonction des dispos des musiciens, tout ce qui était solos.

 

D. : Quelle partie de l'aventure avez-vous préférée ? Qu'est-ce qui vous a semblé le plus pesant ?

 

Noël : (silence) Ce que j'ai préféré, c'était l'implication de pas mal de gens (nos amis, nos copains) avec lesquels on pouvait vivre cette aventure. Faire cet album en Haute-Savoie, avec les gens de Haute-Savoie, avec les gens de Paris aussi (instrumentistes), bref, l'aspect convivial des choses, ça, c'était bien. (silence)
Je pense par contre que la plus grosse difficulté c'est... (il hésite) la dépossession de ce qu'on a créé, qui est confié à quelqu'un d'autre. Finalement, l'appropriation d'une chanson par chacun fait que la chanson ne ressemble pas vraiment à ce qu'on avait pensé à l'origine. Je crois que pour moi c'était le plus dur (soupir) parce que je ne suis pas forcément d'un naturel très humble. C'est comme un bébé dont on change la couleur des cheveux par exemple ; un truc qui dénature presque la composition, mais qui, en fin de compte, fait quelque chose de carrément mieux que ce que j'aurais pu faire tout seul. Ça devient une composition collective par l'interprétation, par les limites (techniques) ou par les richesses (de créativité) que chacun apporte.

Syphen : Ce qui m'a plu, c'est le fait qu'on monte un projet aussi grand, aussi ambitieux finalement. Rien que le travail sur les chants : retravailler la structure, la musique, les arrangements, c'est déjà complexe.
Ce qui m'a pesé, en particulier pour la concrétisation du projet, c'est qu'on n'a pas forcément tous la même manière de travailler, de gérer le temps par rapport à la finalisation du CD (jaquette, avancement du site, etc...)

 

D. : Quelles attentes avez-vous à l'égard de cet album ?

Noël : Pour moi, le projet est fini depuis à peu près fin août ! (rires) L'immense travail de retouchage minutieux, de ré-enregistrement parfois, qui a eu lieu après, n'entrait plus dans mon objectif initial de mettre des compositions sur un support fixe.
A partir de ce moment là, l'objectif pour moi devenait : utiliser ce CD comme instrument de promotion de Syphen. Si la musique c'est son truc, le moyen de le tester c'est d'utiliser ce CD et d'en faire quelque chose de bien pour le promouvoir. Après ça marche ou ça ne marche pas... mais si ça ne marche pas, ce ne sera pas faute de moyens.

Syphen : Quelles attentes... Le but, c'est d'envoyer des exemplaires à des maisons de disques, afin de se faire repérer et qu'on nous demande de refaire un album ; ou que ça puisse servir à l'un de nous en tant que talent vocal ou musical.

 

D. : Quelle place occupe la musique dans votre vie ? Depuis quand ?

Noël : Ouh la... (soupirs et long silence) C'est un peu compliqué.... Disons qu'elle n'a pas une place fondamentale... mais comme elle a toujours eu une petite place, finalement, j'ai vraiment l'intention d'en vivre maintenant. Il y a peut être une différence entre musique et création. Je crois que l'aspect créatif, qui s'exprime à travers la musique, il est là depuis que j'ai 16 ans. Alors pour ça, peut être que la musique a plus de place. Là où je me débrouille le mieux en création, c'est quand même en faisant de la musique ; dans d’autres domaines ça reste assez brouillon. Dans la composition, la création, je peux offrir aux autres quelque chose qui est vraiment de moi.
J'ai appris à faire du piano entre sept et douze ans je crois. Ensuite j’ai basculé sur une classe d'orgues jusqu'à... (soupir) mais je n'aimais pas, donc ça a duré très longtemps (rires) ! J'ai tout laissé tomber pendant un certain temps aussi. Le piano, je m’y sens à l'aise ; physiquement ça tombe sous les doigts, c'est peut-être parce que j'ai appris petit que finalement, ça fait partie de moi maintenant. Je me suis amusé à essayer plein d'autres instruments, et l'intérêt, c'est que ça facilite la composition pour ces autres instruments aussi. Mais c'est vrai que le piano, c’est mon langage naturel.

Syphen : Oh ! (rire) beaucoup de place... beaucoup de temps... et j'aimerais en faire mon métier.
J'ai fait de la guitare en école de musique pendant 6 ans ; je me suis mis au piano en 1996 je crois, j’ai appris tout seul... J’ai joué dans plusieurs groupes ; j'ai appris le chant tout seul, je chante vraiment depuis 1993.

 

D. : Quelque chose à dire sur Syphen ?

Noël : Il a un rythme de vie qui est tout à fait adapté à la vie nocturne. (rire)
C’est un copain, on s'entend bien et je crois que tout le reste découle de ça. C’est parce qu'on a plaisir à faire des trucs ensemble que les choses se font.

 

D. : Quelque chose à dire sur Noël ?

Syphen : (rires) C'est un super compositeur, sincèrement ; je pense qu'il a de l'avenir dans la musique dans la mesure où il sait composer des musiques de films, de chansons, qui sont vraiment de qualité...
Parfois, sur ses compos, il a quand même des exigences... comment dire... un peu spéciales, c'est pas évident de le suivre tout le temps dans ce qu'il veut. Mais par ailleurs, il a été plutôt ouvert à ce que j’ai pu apporter à ses compos en tant qu’interprète.